Pourquoi pratiquer ?

La méditation comme art de vivre

La méditation connaît un déploiement important en Occident. Cet intérêt croissant pour la méditation est en rapport à l’intensité du mal-être qui saisit le monde occidental, où les êtres humains sont trop souvent coupés de leur expérience, soumis à des pressions intenses et à une obligation d’efficacité souvent déshumanisante. La pratique de la méditation apparaît comme une réponse à ce mode de vie. Elle nous réapprend à être, à respirer, et joue ainsi un rôle décisif pour notre monde. Les scientifiques ont mesuré ses effets bénéfiques, nous aidant à comprendre comment la méditation pouvait nous aider. En effet, cette pratique influe sur notre état d’être, apaise notre esprit, soulage la pression que nous pouvons ressentir et nous permet de renouer avec une certaine confiance et bienveillance envers soi, les autres et le monde.

Le réflexe contemporain de tout transformer en instrument menace aujourd’hui l’essor de la méditation, de plus en plus souvent présentée comme une technique pour être moins stressé, plus performant, pour gérer nos émotions comme nous l’entendons.

Or si la méditation a un rôle à jouer à notre époque, c’est d’abord celui de nous aider à couper à sa racine l’obsession de tout contrôler et de tout dominer qui nous conduit à perdre tout lien réel à la terre, à considérer les êtres humains comme de simples « ressources » fussent-elles « humaines »…

La méditation peut aider chacun à retrouver l’ampleur de sa propre humanité, à favoriser partout un sens de présence, d’écoute et de respect.

Photo d'une méditante

Les bonnes raisons de méditer

Au fond, Il n’y a pas de mauvaise raison pour pratiquer la méditation. Que l’on pratique juste parce qu’on a besoin de prendre un moment pour respirer un peu ou que l’on ait l’aspiration que notre pratique puisse contribuer à ce que le monde dans lequel nous vivons aille mieux, peu importe. Ce qui compte c’est qu’une fois assis sur le coussin, nous puissions mettre nos attentes de côté et laisser la pratique œuvrer d’elle-même.

Nous vivons dans un monde ou nous sommes constamment sollicités par tout un tas de choses. Depuis l’invention d’internet et des téléphones portables, nous sommes en permanence abreuvés d’informations et de sollicitations diverses auxquelles il nous faut répondre rapidement. La plupart d’entre nous n’ont plus la possibilité de rester un moment assis au coin du feu à ne rien faire, comme pouvaient encore le faire nos grands-parents. Dans ce contexte, méditer ne serait-ce que cinq ou dix minutes dans la journée peut nous permettre de trouver l’espace de respiration minimum nécessaire pour laisser notre esprit se poser un moment. De ce point de vue, pratiquer la méditation, c’est un peu comme faire du sport ou se brosser les dents. C’est simplement un geste hygiénique indispensable à notre santé.

Bien souvent, nous avons le sentiment de ne pas être à ce que nous faisons, comme si nous fonctionnions en « mode automatique ». Nous n’arrivons plus vraiment à être attentifs à ce qui nous arrive et aux personnes qui nous entourent. Notre esprit est comme parti ailleurs et nous avons l’impression de passer à côté des choses. En nous ramenant au corps, à l’espace qui nous entoure et au moment présent, la pratique peut nous aider à retrouver un sens de présence plus incarné.

Il arrive que nous ne sachions plus vraiment quelle direction donner à nos vies. Nous ressentons alors un grand sentiment d’insatisfaction. Tout ce que nous faisons nous semble vain et nous ne savons plus où nous tourner. Nous avons perdu toute forme d’allant. C’est une excellente occasion pour pratiquer. Méditer ne va pas résoudre tous nos problèmes. Cela ne nous dira pas non plus ce que l’on doit faire de notre vie. Mais, en nous reliant au sens d’être primordial qui est en nous, cela peut nous permettre de sortir d’une certaine forme de pessimisme et de voir notre situation avec plus de clarté.

Cela peut être aussi simple que ça. La pratique de la méditation est une formidable occasion pour se réjouir pleinement du seul fait d’être en vie. Nous avons rarement l’occasion de célébrer la vie en nous. Prendre quelques instants pour nous asseoir et nous accorder au rythme de la vie à travers notre souffle peut réellement nous faire du bien.

Notre monde est souvent impitoyable. Il ne laisse aucune place à la faiblesse et au doute et nous enjoint constamment d’être toujours plus performant. Dans une telle atmosphère, il est facile de perdre pied et de céder le pas au découragement ou à la peur. En nous raccordant à la simplicité de la présence, toujours disponible, spacieuse et bienveillante, la pratique peut nous aider à nous sortir de l’abattement et à retrouver un sens de confiance.

Nous sommes tous à un moment ou à un autre de notre vie confrontés à la souffrance. Elle peut-être provoquée par un événement particulier, un échec, une maladie ou la perte d’un être cher. Mais cela peut être aussi une souffrance plus profonde, qui n’a pas de cause apparente et qui est liée à la fragilité inhérente au fait d’être humain. L’attitude habituelle que nous avons vis-à-vis de nos souffrances, qu’elles soient petites ou qu’elles soient grandes, consiste souvent à les mettre de côté, à les enfouir et à passer rapidement à autre chose. Dans la pratique de la méditation, nous accueillons tout ce qui survient, sans aucune forme de jugement. La souffrance ne fait pas exception. Et s’asseoir sur un coussin peut être aussi l’occasion de prendre soin de nos blessures avec plus de justesse et de douceur.

Pour certains d’entre nous, la pratique de la méditation peut prendre la forme d’un engagement à plus long terme. Nous nous sommes initiés à la pratique, et nous avons pu constater à quelle point elle faisait sens pour nous, à quel point elle répondait à notre aspiration la plus profonde. C’est le signe que nous sommes prêt à nous engager plus avant dans la pratique, à y consacrer du temps afin qu’elle puisse véritablement œuvrer en nous. Ce qui est formidable, c’est que la pratique a toujours quelque chose à nous offrir. Même si nous pratiquons depuis de nombreuses années, nous ne cessons d’être surpris par ce que nous y découvrons.

À L’École de méditation, nous sommes convaincus que la méditation est ce qui peut répondre de manière très profonde aux défis de notre temps. Pratiquer dans la seule perspective de notre développement personnel nous paraît bien trop étroit. Il ne s’agit pas uniquement de sauver notre peau, mais bien de changer le monde. En pratiquant la Pleine présence et en portant une attention ouverte à tout ce qui nous entoure, nous rétablissons le monde dans sa dignité. En pratiquant la Confiance, nous combattons le découragement et la résignation qui paralysent nos vies. En pratiquant la Bienveillance, nous repoussons l’emprise de la haine, qui partout ronge notre monde.
Cela peut paraître un peu démesuré de penser que notre pratique va sauver le monde. En fait, il s’agit simplement de faire sa part du travail. Commençons par nous-même. Pratiquons et voyons ce que cela change en nous et autour de nous. Il se peut que nous découvrions que notre pratique a un impact bien plus vaste que ce que nous pouvons imaginer.

Redon - Le rêve 1908

Quelques idées fausses sur la méditation

Présenter la méditation comme devant, au premier chef, conduire à trouver le calme mental est une profonde erreur. Chercher un tel résultat appauvrit la pratique, la rend même étriquée. Soit vous allez vous sentir toujours plus misérable de ne pas y arriver, soit vous allez éprouver de la fierté d’avoir réussi l’exercice. Quel est le sens d’un tel projet ?

Vous êtes alors empli d’espoir de rester en paix ou d’inquiétude de ne pas l’être. Ce n’est pas cela la méditation !

Méditer, c’est avoir une attitude de bienveillance nous permettant de nous relier à tout ce qui surgit — nous libérant de l’espoir et de la peur. Cette attitude est cultivée par le fait de prêter attention de façon délibérée, profonde et sans porter aucun jugement de valeur à tout ce qui advient en soi et hors de soi. Chercher une expérience particulière, c’est perdre cette qualité d’esprit. Ce n’est plus méditer.

De toute façon, en portant attention à notre état d’être, nous allons être sensibles à nos états de calme mais aussi aux états de confusion qui vont même nous apparaître avec d’autant plus de vivacité que nous les regardons simplement et avec bienveillance. Croire que nous sommes sur le mauvais chemin parce que la confusion apparaît plus clairement, c’est se tromper sur le sens de ce chemin.

Une des idées fausses les plus courantes sur la méditation est celle qui est véhiculée par toutes les photographies que l’on présente dans tous les magazines.

Regardons attentivement : sur les premières représentations que nous connaissons de lui, le Bouddha est dans une posture de méditation. On le sent pleinement posé dans son corps et sur la terre. Que ce soit sur les représentations marquées par l’exemple grec du Gandhâra (l’ancien royaume situé dans le nord-ouest de l’actuel Pakistan et de l’est de l’Afghanistan) ou sur les représentations purement indiennes nées à Mathura, du IIe siècle avant notre ère au XIIe siècle, il est chaque fois pleinement présent, digne et alerte.
Étrangement, dans les magazines ou sur les sites internet, quand on montre des gens en train de pratiquer, l’image qu’ils projettent semble tout à fait opposée à celle du Bouddha. Les yeux levés vers le ciel, ils ont l’air absorbés on ne sait où. Leur attitude est à la fois un peu éthérée et focalisée sur eux-mêmes, ce qui fait qu’ils n’ont aucun sens de solidité.

Quel singulier contresens ! Méditer, ce n’est pas s’évader du présent, ni de l’endroit où nous nous tenons, c’est au contraire être solidement ancré et ouvert à tout ce qui est, que ce soit en nous ou autour de nous.

Croire que la méditation consiste à « faire le vide dans sa tête » est une erreur courante. Elle est en réalité très naïve. Qu’est-ce que cela pourrait bien signifier ? On peut vider une pièce, en retirant les meubles et objets qui s’y trouvent. Mais comment pourrait-on faire le vide dans notre tête ? En la vidant de toute pensée et émotion ? Quel singulier projet !

Notre esprit n’est pas une maison ! Il est vivant. Les textes le comparent parfois à un océan qui peut être agité ou calme. Comment pourrions-nous enlever les vagues de l’océan ? Ne sont-elles pas l’océan lui-même en son mouvement propre ? Vouloir se vider la tête est une idée aussi étrange que de vouloir vider l’océan de ses vagues.

Un tel projet est en réalité aussi irréaliste que violent. Il ne peut de toute façon que nous décevoir car lorsque nous commençons à pratiquer, nous sommes d’abord surpris de constater que nous ne pouvons pas du tout réussir à faire le vide. Notre esprit vagabonde sans cesse.

Nous pensions être à l’aise, avoir un certain contrôle sur nous-mêmes et nous voilà forcés de constater qu’il n’en est rien ! Notre attention s’émousse en quelques minutes. C’est assez frustrant, mais ce n’est nullement un problème. Surtout n’en soyons pas découragés. En faire l’épreuve, voilà l’important. Ne nous engageons pas dans une gymnastique visant à nous permettre de dominer notre esprit, mais, tout au contraire, abandonnons le souci de tout contrôler. C’est ce souci qui nous opprime. La méditation ne vise donc nullement à vider l’esprit mais à l’apprivoiser. À ne plus lutter contre lui.

À cause de cette conception de la méditation, on a fait du bouddhisme un repli sur soi ou une manière de se fermer au monde. Il suffit de regarder n’importe quel maître de la tradition, comme le Dalaï Lama par exemple, pour voir l’absurdité d’une telle thèse. Il est animé d’une joie, d’un souci des autres et d’un engagement qui éclatent à chaque instant. S’asseoir sur un coussin ouvre notre cœur et notre esprit, nous rend plus vifs et alertes, nullement impassibles.

Autrement dit, ce vide dont parlent les traditions d’Orient ne signifie nullement être vide au sens que ce terme a chez nous, mais être pleinement ouvert, sans préjugés ou idées reçues.

Si vous êtes tendu, la relaxation vous apprendra à relâcher les tensions physiques et psychiques, et donc à vous détendre. Vous pouvez tout aussi bien faire des exercices de respiration, des mouvements physiques que prendre un bain aux huiles essentielles.

La méditation ne vous apprend pas à lâcher une tension, mais à la considérer avec précision, à faire attention à la manière dont la tension vous touche et comment vous vous reliez à elle. Alors, vous ne cherchez pas à vous détendre, mais juste à être présent à ce que vous vivez. Souffrons-nous plus à causes des tensions que nous vivons ou en raison de ce que notre esprit surajoute à propos de ces tensions ?

Prétendre que pratiquer vise à nous faire vivre un moment de relaxation, à réduire le stress, ou encore, comme on peut l’entendre parfois, à prendre des « mini-vacances » est un profond contresens.

La méditation nous permet d’accueillir et d’éprouver pleinement les pensées et les états émotionnels que nous traversons. Nous ne cherchons pas à modifier notre expérience, mais à y être pleinement attentifs.

La méditation ne consiste absolument pas à fuir la réalité pour se réfugier dans une sorte de cocon protecteur. Elle nous invite au contraire à apprendre à voir les choses comme elles sont.

Nombre de personnes vivent dans leur monde singulier et ont peu de rapport réel avec ce qui se passe autour d’elles. Tout est pensé, considéré à partir de leur seul point de vue particulier. Cette personne est sympathique parce qu’elle répond à ma demande, celle-ci est désagréable parce qu’elle n’a pas trouvé le temps de faire ce que je voulais.

En un sens très profond, tout en étant imprégnées d’elles-mêmes, de leur désir à elles, ces personnes n’ont aucune expérience de présence. Tout est regardé en fonction du résultat escompté, un peu comme un investisseur qui attend de recevoir son retour sur investissement. Elles ont toujours raison et la perspective de se remettre en question ne les traverse jamais.

La méditation nous apprend à ne pas suivre cette pente, à voir la situation à partir d’elle-même.

Et en ce sens, la méditation devient une manière d’être plus amplement présent à la réalité.

Notre mode de pensée occidental nous conduit à faire une distinction radicale entre notre corps et notre esprit, comme entre les activités quotidiennes et les activités spirituelles. La méditation va à l’encontre de ce type de distinctions. C’est une pratique très ordinaire, complètement ancrée dans la réalité de notre quotidien et dans laquelle notre corps est engagé dans son entièreté.

En réalité, il s’agit beaucoup plus d’entrer en rapport avec notre corps de façon très concrète que de s’exercer à on ne sait quel exercice spirituel. Notre esprit est bien engagé dans la pratique, mais au même titre que notre corps, ni plus ni moins. Nous découvrons dans la pratique que le corps et l’esprit ne sont pas aussi séparés que ce que nous pouvions imaginer.

La « pleine conscience » est le terme qui a été choisi pour traduire le mot Mindfulness utilisé par l’Américain Jon Kabat-Zinn. Cette traduction est malheureuse et induit une mauvaise compréhension du sens de la pratique de la méditation. Dans la pratique, il ne s’agit pas véritablement d’être conscient de ce qui nous arrive. C’est bien trop intellectuel et, surtout, cela crée une dualité entre un sujet qui a conscience d’un objet qui serait extérieur à lui. Ce n’est pas l’expérience que vise la pratique. Il s’agit bien plus d’être présent avec ce qui survient, de faire un avec la situation. C’est pourquoi nous préférons le terme de Pleine présence qui rend mieux compte de la réalité de l’expérience méditative et qui est plus fidèle au terme de Mindfulness.

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