Ma grand-mère

Tableau montrant une femme de dos dans l'embrasure d'une fenêtre.

Ma grand-mère était sourde …

 

Ma grand-mère était sourde. Aujourd’hui on dirait « mal-entendante » mais je préfère dire sourde. Nous étions une famille nombreuse et elle vivait avec nous en banlieue parisienne. Je me souviens que pendant une période nous partagions la même chambre, elle, mon frère et moi, dans un appartement bien exigu pour toute la famille. Cela m’agaçait parfois qu’elle ne comprenne pas ce que je disais. Il fallait répéter plusieurs fois en articulant pour qu’elle puisse lire sur les lèvres. Je n’imaginais pas la souffrance et le sentiment d’isolement que c’était pour elle de ne pas pouvoir entendre.

Elle passait des heures à guetter le facteur chaque matin, espérant une lettre d’un de ses enfants. Je me souviens qu’elle restait à la fenêtre, attendant le passage de la camionnette qui apporterait peut-être le courrier tant espéré.

 

La joie d’être rassemblé !

 

Souvent je me dis que je suis un peu comme était ma grand-mère ; parfois j’ai l’impression d’être isolé, seul au monde, d’attendre un signe extérieur, un message, je regarde mon téléphone, je scrute l’arrivée des SMS (je suis sûr que ma grand-mère aurait été accro aux SMS).

Je me plais à penser que si ma grand-mère avait connu la méditation, peut-être aurait-elle pu sentir le plaisir de s’assoir, de laisser tomber l’espoir d’un message pour simplement goûter la joie d’être, le silence et la solitude sans pour autant se sentir isolée du monde et de ses enfants mais au contraire pleinement en lien.

C’est cette joie que je touche parfois dans la solitude de mon appartement parisien, la joie d’être rassemblé, de m’émerveiller de la vie, du lien qui m’unit au monde, sans avoir besoin de regarder par la fenêtre, sans rêver à un ailleurs.

 

Xavier Ripoche

Paris

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