La pratique au carré

Photo de dos de deux petites-filles de Dominique Sauthier

Peu après les neuf jours du Stage 4 passés dans le silence et l’immobilité d’une pratique intensive, je suis partie en vacances avec deux de mes petites filles. Le contraste a été tellement saisissant, que je me suis demandée comment relier deux expériences si diamétralement opposées.

Pendant les neuf jours de retraite, je me suis progressivement posée, et toutes les résistances qui au début rendaient ma pratique difficile et inconfortable ont cédé pour laisser place à une présence simple et sans histoire où je me suis sentie en paix avec moi-même et ce que je rencontrais.

Le tourbillon de la vie

Mes petites filles de 6 et 8 ans sont pleines de vitalité, une vitalité qui s’exprime par des rires joyeux et un infatigable besoin de mouvement, mais aussi par des disputes, des chamailleries, des plaintes et des cris. Ceci du lever au coucher. Il y a des moments où je me suis surprise à rêver d’un peu de paix, de silence et de solitude, d’un retrait du tourbillon dans lequel me plongeaient mes petites filles. Je me suis rendue compte que la méditation peut facilement devenir un lieu de repli de la vie et de ses inconforts, une valeur-refuge pour fuir les difficultés, un moment de déconnexion, et c’est d’ailleurs bien souvent dans cette perspective qu’elle est enseignée.

Alors comment articuler une aspiration tout à fait légitime à un peu de paix aux défis d’un quotidien qui nous bouscule ?

Dans la pratique, nous apprenons à rencontrer la réalité, nos ressassements, notre réactivité, nos émotions, notre ennui, nos douleurs, le bruit d’une voiture qui passe et tout ce qui fait partie de notre environnement. Petit à petit, nous cessons de lutter contre ce qui ne va pas, nous nous accordons à la réalité, et un sens d’apaisement peut survenir.

Ne plus résister, accueillir

Avec mes petites-filles, je me suis rendue compte que ce que j’ai fait, c’est de la pratique au carré. Le cadre de la pratique, ça a été l’impossibilité de fuir la situation : on ne laisse pas des enfants tout seuls ; et dans ce cadre, j’ai essayé, parfois avec succès, parfois sans succès, d’accueillir tout ce qui se présentait : les moments heureux, les moments difficiles. Mes petites-filles m’ont tendu un miroir. Chaque fois que je résistais à la situation, que je refusais la réalité, que je rêvais de petites-filles tranquilles alors qu’elles étaient surexcitées, ou de petites-filles intéressées par ce que je leur proposais alors que ça les ennuyait, ça grinçait. Elles m’ont obligée à lâcher mes attentes de vacances parfaites, au même titre qu’il faut lâcher le rêve d’une pratique parfaite. Elles m’ont demandé par leur présence d’être complètement disponible, et chaque fois que je n’y étais pas vraiment, elles m’ont rappelée à la réalité en sollicitant mon attention, à leur façon.  Dans ces moments de complète disponibilité, j’ai goûté à la joie d’être en lien avec mes petites-filles et complètement accordée à la vie.

La conclusion de cette expérience, c’est que la pratique de la méditation ne s’arrête pas quand on quitte son coussin. En fait, elle commence véritablement quand on quitte son coussin pour entrer dans le vif de notre existence, là où le réel nous tire sans cesse par la manche, comme mes petites-filles, et ne nous laisse pas une minute pour rêver à une autre réalité. C’est là que la pratique prend tout son sens ; elle nous aide à vivre avec un peu plus de tolérance et de respect pour ceux qui nous entourent, et à amener un peu de paix dans ce monde.

Dominique Sauthier

Genève

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