Se faire le cadeau de ne rien faire

Le lapin blanc et sa montre à gousset dans Alice au pays des merveilles

Faire

Faire des listes, des courses, des livres, des cours, du sport, à manger, ses comptes, sa lessive, le ménage, son agenda, de l’ordre dans ses mails … Et recommencer. Et recommencer.

Dans l’existence, je fais beaucoup. Je travaille beaucoup et, si j’y regarde d’un peu plus près, il y a derrière ce « faire » une tentative quasi désespérée d’arriver à éponger à un moment tous les « faire » à faire pour arriver … à ne plus rien faire !

Et alors, enfin, j’aurais le temps de ne plus rien faire, de me reposer, méditer, lire, laisser libre cours à mon imagination créatrice…

Cette course poursuite derrière cet instant idyllique où tout serait enfin accompli me fait ressembler bien des fois au lapin blanc dans Alice au Pays des Merveilles qui court après le temps, sa montre à gousset à la main.

Tellement prise par ce qu’il reste encore à faire, j’en perds le goût de ce que je suis en train de faire, maintenant, dans le présent.

Main-tenant

Je ne tiens plus par la main le présent. Il s’effiloche et tout devient alors pesant, fatiguant, lourd, un pensum de plus.

Lorsque je suis assise sur le coussin, je constate l’illusion de l’accomplissement total de tout par mes multiples actions. Je constate que je peux me détendre avec cela et arrêter cette course infernale, j’arrête d’être Sisyphe. Je prends acte du fiasco et je me fous la paix. Cela ne pose aucun problème car c’est la marque même de la finitude humaine. Nous ne sommes pas des super-héros ou des robots. Sur le coussin, je fais la paix avec ma condition humaine.

Et, en retour, les miracles de cette condition m’apparaissent. J’apprends à n’être que là où je suis, dans ce geste, cette parole, cette action, je peux apprendre à y être entièrement.

En pratiquant la méditation, je rencontre le plus simple : ce qui est là pour moi, juste là. Il ne manque rien à ce maintenant. Je peux m’y tenir fermement. Tout à coup, tout est beaucoup plus intéressant, plus passionnant, plus dense. Et, surprise, en m’octroyant ce cadeau de « ne rien faire », je n’ai pas du tout moins de temps pour tout ce que j’entreprends, au contraire même. J’y suis plus disponible et plus engagée.

Ce « ne rien faire » est riche et précieux car il participe à la reconfiguration radicale de mon existence, à partir d’un lieu auprès duquel il est toujours possible de me ressourcer.


Marine Manouvrier

Bruxelles

3 commentaires
  1. Christine BERARD dit :

    Bonjour Marine,
    Ton article me parle est beaucoup. Je commence juste, avec notamment la méditation, à faire l’expérience que la vie se déroule maintenant, aujourd’hui. Et que jamais je ne réussirai à être à jour de tout , et qu’il est illusoire de penser que le bonheur viendrait du jour où on aurait coché toutes les choses à faire de sa liste.
    Pema Chodron citant un de ces enseignants (dans La voie commence là où vous êtes, page 140) : « Je ne sais pas pourquoi vous êtes venu ici, mais je peux vous dire tout de suite que la base de tout enseignement c’est que vous n’allez jamais arriver à tout organiser »(…) »Vous n’allez jamais réussir à tout mettre en place. »
    Merci pour le partage de ton expérience Marine.
    Chaleureusement,
    Christine

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    • Marine dit :

      Bonjour chère Christine,
      Merci pour tes mots que je lis avec joie et me donnent ainsi de tes bonnes nouvelles.
      Fabrice dit souvent que c’est à partir du constat du fiasco qu’on peut alors commencer à travailler. Me le rappeler m’aide beaucoup à avancer !
      Je t’embrasse
      Marine

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      • Christine B. dit :

        Bonjour Marine,
        Merci de ton retour et de ton nouveau partage ! Oui, il faut déjà voir quel est le grain de sable qui enraye la fluidité, le mouvement de la vie (voire, le gros caillou ;)) …
        Après, c’est la question de l’action (juste), et toujours celle du courage. Enfin, c’est comme cela que je comprends les choses actuellement.
        Je t’embrasse
        Christine

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