Travailler en se foutant la paix !

Photographie prise en vue plongeante du haut d'une montagne russe.

Être réellement au travail, sentir que quelque chose s’étire et s’inscrit en nous, qu’il y a un mouvement de sédimentation : ce n’est pas évident. J’aimerais toujours y être un peu plus, et en même temps une certaine procrastination m’en tient souvent à l’écart.

Les montagnes russes

Au fond, pour moi, travailler ça a toujours été une histoire de montagnes russes : quand tout va bien, au sommet de la montagne, rien ne m’atteint à part le vent dans mes cheveux, « tout roule », je plane, mais je n’accomplis pas grand-chose.

Et puis c’est la chute, qui m’emmène très bas, au creux d’un certain mal-être, où le wagon n’avance même plus de lui-même.

Il ne me reste alors plus qu’à l’actionner pour remonter la pente : méditer plus, lire plus, écrire plus, pour gagner plus (ou moins…), dans un sursaut de survie un peu court de vue.

En dehors du côté un peu sysiphéen de ce cheminement, le problème est surtout que je n’avance que par réaction, en tentant de traiter un inconfort précis, plutôt qu’en étant en rapport à mon aspiration profonde.

Retrouver l’aspiration

Bien que j’aie compris assez rapidement comment le geste de Foutez-vous la paix ! nous aide, en dégageant radicalement mais sans violence ce qui obstrue notre rapport à la vie, j’ai eu longtemps du mal à le sentir s’installer dans ma pratique. C’est un chantier encore en cours, mais je crois quand même avoir touché le fait que cet acte m’aide à cheminer autrement qu’en me laissant couler de bas en haut.

Plutôt que de tout de suite réagir à la chute en ré-actionnant le wagon, je ne fais rien, voire même j’en descends et vais explorer les alentours. Je suis peut-être encore dans le parc d’attractions, mais certainement un peu plus libre, un peu plus proche de la frontière.

Les sensations, le rapport à la terre et au ciel n’ont plus rien à voir, je ne m’accroche plus à ces différences d’altitude pour sentir que quelque chose se meut en moi. Voir, sentir, s’asseoir ou  écrire, ne sont plus des actes dont je guette les effets, mais plutôt les différents pas d’une drôle de danse avec le monde.

Plus besoin alors de jauger sans cesse ma mise au travail, montre et cahier des charges en main. En me foutant la paix, je peux faire confiance à mon aspiration profonde, m’y consacrer, et tout ce qui survient dans ma vie peut être inclus dans ce mouvement.

J’apprends à laisser être les difficultés autant que les moments de réussite, de manière équanime, pour que tout puisse participer de ce terreau riche et délicieux dont éclora la fleur.

Martin Monin

Paris

1 commentaire
  1. Francine VANDROMME dit :

    Cher Martin, merci pour cette belle image du wagon. je me souviendrai de descendre du wagon plutôt que de passer d’un wagon à l’autre. Je suis tombée sur cet article alors que j ‘essayais de retrouver ton interview de Betsy Parayil-Pezard qui m’a beaucoup interessée. J’ai commencé la lecture de son livre. J’ai travaillé pendant 20 ans dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, animé des groupes de paroles pour des femmes victimes de violence, et j’ai pris récemment contact avec la psychologue de cet établissement pour lui proposer une introduction à la pratique de la méditation pour les travailleurs sociaux et pour les personnes accueillies, et si cela a un écho la mise en place d’un groupe de pratique. Cela doit faire son chemin et être accepté par le nouveau directeur qui sera nommé dans les mois qui viennent. Pourrais tu m’adresser ton interview (je n’arrive pas à la retrouver), et si tu as d’autres pistes ou contacts qui puissent nourrir ma réflexion cela m’aiderait à avancer dans ce projet d’une « pratique engagée ». L’idée de transmettre aux séniors m’a attirée mais c’est en y réfléchissant plus avant, que j’ai pensé que le public auquel je sentais que javais quelque chose à transmettre est celui avec lequel j’ai travaillé durant de longues années.
    Très belle année, Martin, riche et lumineuse.

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