Au-delà de la grippe, la santé primordiale

Photographie prise sous la frondaison d'un arbre filtrant les rayons du soleil

S’accorder à la maladie

Il y a quelques temps, j’ai été malade, rien de grave, un gros rhume, la toux, le virus que nous sommes beaucoup à avoir partagé. Comme je n’aime pas être malade, au début j’ai fait comme si ça allait passer très vite. Et puis il a bien fallu reconnaître que ce n’était pas un petit rhume de rien du tout mais un gros rhume accompagné d’une toux incessante et très pénible. C’était difficile de continuer à faire des choses, malgré les médicaments.

À un moment donné, essayer de passer par-dessus la maladie a été impossible. Elle a pris le dessus, et j’ai dû céder. Et j’ai juste été malade, au fond de mon lit. Je n’étais plus que rhume et toux, plus rien d’autre n’existait. Et curieusement, à ce moment-là, je me suis sentie bien, en paix, soulagée. J’étais enfin accordée à la réalité, qui était, en l’occurrence, d’être malade. J’étais malade, mais en même temps, j’ai goûté un instant à la santé primordiale.

Qu’est-ce que c’est que cette santé primordiale ?

C’est une santé qui n’a rien à voir avec un état sans maladie. C’est une santé qui est là de toute façon, que nous le voulions ou non, que nous soyons malade ou non. C’est pour cela qu’on l’appelle santé primordiale, ou grande santé. Cette santé est primordiale parce qu’elle n’est pas dépendante des circonstances. Chaque être humain est fondamentalement sain, mais la plupart du temps nous ne voyons pas cette santé fondamentale. Elle est recouverte par toutes les idées que nous avons sur ce qui nous arrive. Au lieu de simplement vivre la maladie, ou tout autre événement douloureux, nous ajoutons plein de commentaires sur comment nous le vivons, comment nous devrions le vivre, si on fait juste, si on fait faux, si c’est normal, pas normal, juste, injuste, s’il faut s’inquiéter, ou non, etc…

On pourrait dire que cette propension de notre esprit à sans cesse ajouter des jugements sur les situations, c’est cela la vraie maladie dont nous souffrons. Des maladies qui s’appellent inquiétude, anxiété, insatisfaction…

Si je reprends l’exemple de la grippe, ce qui m’a frappée, c’est que ce n’est pas tellement la grippe qui me faisait souffrir, mais c’est le fait que je voulais échapper à la maladie,d’abord parce que c’est pénible à vivre, et ensuite pour toutes sortes d’autres raisons provenant non pas de la maladie elle-même mais de mon rapport à la maladie.

La santé primordiale, ce n’est donc pas ne pas être malade, mais c’est être en phase avec la réalité. C’est céder à la réalité, coïncider avec la réalité. Quand la réalité ne nous convient pas, nous avons l’habitude de changer les choses pour qu’elles deviennent plus acceptables, plus confortables. C’est vraiment humain, c’est notre réflexe : essayer d’échapper à la douleur, à la souffrance pour être bien, heureux.

Au-delà du confort

La pratique de la méditation, c’est cet entraînement à faire coïncider notre corps et notre esprit. Quand nous nous sentons bien, posé sur notre coussin, nous parvenons par moment à être en phase avec notre corps, avec nous-même, et nous apprécions simplement et sainement ce que nous vivons.

Les choses se gâtent quand nous commençons à ressentir des inconforts, des douleurs. Là, nous avons un peu moins envie de coïncider avec notre corps, avec la réalité. Nous résistons. Nous aimerions que ça change, que ça s’arrête, nous nous inquiétons, et l’idylle avec la pratique tourne au vinaigre. À quoi ça sert de pratiquer si c’est pour avoir mal au dos ?

Dans ces moments de difficultés, nous luttons pour retrouver un bien-être. Nous essayons de fuir ce que nous vivons. Pour nous soutenir, il y a le cadre de la pratique : notre posture, le fait que nous avons choisi de rester assis jusqu’au coup de gong. Ce cadre de la pratique nous invite à aller un peu plus loin que notre zone de confort habituelle, à dépasser une limite que nous ne franchissons généralement jamais. Et c’est cette difficulté qui fait que notre esprit est amené à céder. À force de ne rien faire, de guerre lasse, quelque chose en nous cède à la réalité. Alors, malgré l’inconfort, ou grâce à l’inconfort, nous touchons à une forme de paix ou de soulagement, nous entrons dans la plénitude de grande santé.

Chögyam Trungpa, dans Le Cœur du Sujet, dit à propos de la maladie :

« On perçoit son désir de se débarrasser de la maladie comme un désir de vivre. Mais ce n’est souvent que le contraire : on cherche à éviter la vie. Même si l’on semble vouloir vivre, on ne veut en réalité que se dérober à l’intensité. Voilà une distorsion qui ne manque pas d’ironie : on veut en fait guérir de manière à éviter la vie. L’espoir de guérison est donc un gros mensonge ; c’est la plus grande conspiration entre toutes. »

C’est le renversement qui s’opère quand on pense la maladie à partir de la santé primordiale et non à partir du rêve d’une santé parfaite. Et pratiquer, ce serait entrer en rapport à l’intensité de la vie.

 

Dominique Sauthier

Genève

2 commentaires
  1. Gérard FARALLI dit :

    Bonjour Dominique … 🙂
    Voilà tu as mis des mots sur ce que je ressens face à l’ennui qui surgit parfois sur le coussin,
    je sens du fond de mon estomac une envie soudaine de bouger , d’esquiver, de m’échapper, de fuir, de me lever et puis soudain , souvent pour quelques secondes de plus à tenir tu l’as dit : « À force de ne rien faire, de guerre lasse, quelque chose en nous cède à la réalité »… et je peux me réconcilier avec ça , pousser les murs de quelques centimètres , pour que ça prenne sa place… je peux maintenant m’occuper de l’oiseau qui faisait son maximum pour que je l’entende durant tout ce temps… 😉
    Tout cela me rappelle qu’un stage sur la confiance arrive à grand pas… 😉

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  2. Dominique SAUTHIER dit :

    Bonjour Gérard,
    Merci pour la description très fine et précise de ton expérience ! Elle montre que ta pratique s’approfondit et que la confiance n’est en effet pas loin.
    Au plaisir de te retrouver au stage !
    Bien à toi,
    Dominique

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