Narcissiques, ensemble !

Tableau de Nicolas Poussin montrant la transformation de plusieurs personnage de la mythologie se transformant en fleur.

De mauvais souvenirs…

Je n’ai jamais aimé les groupes. J’ai des souvenirs terribles, surtout de l’école, quand on partait en classe découverte. C’était pour moi très compliqué de me retrouver en permanence immergé dans l’ensemble que forme le groupe. J’avais l’impression de manquer d’air, de ne pas pouvoir être moi-même.

Quand on y pense, les groupes – spécialement les groupes d’enfants – c’est un peu la jungle. Les « plus forts » y règnent souvent en maîtres : les personnalités les plus marquées – qui sont rarement les plus intéressantes – prennent toute la place. Les autres, et particulièrement ceux qui, comme moi, sont un peu timides, sont simplement mis de côté.

Alors, la première fois que je me suis inscrit à un séminaire à l’École, j’avais quand même une petite appréhension. J’allais devoir passer sept jours avec tout un tas de personnes, que, pour la plupart, je ne connaissais absolument pas, prendre tous mes repas en réfectoire et même dormir en chambre partagée ! J’étais un peu inquiet. Ma curiosité pour les enseignements – le séminaire s’intitulait « Comprendre » – fut plus grande que ma réticence à revivre l’expérience de la vie en collectivité. Je suis donc parti, malgré tout. Mais je me souviens très bien que, au début de mon séjour, le doute était encore là : « mais pourquoi donc a-t-il fallu que tu viennes ici, toi qui détestes la vie en groupe ? ».

Une autre manière d’être ensemble

Au final, le séminaire c’est formidablement bien passé. Les enseignements furent tellement merveilleux que j’oubliai assez vite les petits désagréments de la collectivité. Depuis, j’ai refait de nombreux séminaires et de nombreux stages au sein de l’École. Et c’est à chaque fois pour moi un étonnement de voir que l’on peut être en groupe d’une façon aussi paisible.

Évidemment, le fait de pratiquer ensemble la méditation – c’est-à-dire de partager le silence, plutôt que les bavardages inutiles – cela change tout. Cela crée un rapport complètement différent entre les personnes. Ceux qui d’habitude ont tendance à « en faire trop », s’en sentent, je crois, moins obligés. Et ceux qui, d’ordinaire, restent de côté trouvent un air plus respirable pour eux et peuvent ainsi s’ouvrir un peu plus facilement aux autres. C’est tellement beau !

Le pouvoir de l’humilité

J’ai encore eu la chance de vivre cette expérience lors du séminaire qui eut lieu à Dinard le mois dernier. Et pourtant, ça n’était, a priori, pas si évident. Imaginez 140 personnes qui se retrouvent pour apprendre à devenir narcissique ! On pense que ça va être la foire d’empoigne ! À qui sera le plus comme ci, le mieux comme ça… Eh bien, absolument pas ! Car devenir narcissique, de la façon dont l’entend Fabrice Midal, ne consiste pas à écraser les autres, bien au contraire.

Il s’agit de se rencontrer, d’entrer en relation avec ce que nous sommes profondément. C’est donc tout l’inverse d’essayer de pavoiser en construisant une fausse image de nous-même. Et c’est un vrai travail. Car cette vie en nous, à laquelle il s’agit de donner place, et que nous apprivoisons dans la pratique de la méditation, est sans cesse changeante et impossible à saisir. Nous nous rendons compte qu’elle ne correspond jamais à l’image que nous nous faisons de nous-même. Et ça n’est pas si simple de renoncer à cette image. C’est un travail qui demande beaucoup de courage, de patience et d’humilité.

Je crois que c’est pour cela que nous pouvons être ensemble. Cette humilité, à laquelle nous amène la pratique, nous fait avoir un regard différent sur les autres. Dans la pratique nous rencontrons nos insuffisances et nos difficultés, et nous apprenons, peu à peu, à faire la paix avec elles. Nous pouvons alors mieux accepter celles des autres, voir qu’elles font partie du poème qui est en chacun de nous.

S’appliquer à être soi-même

Un jour, Fabrice Midal a dit cette phrase qui, pour moi, rassemble formidablement ce qu’est l’École : « c’est parce que tout le monde est là à s’occuper à être soi-même qu’il peut y avoir communauté ». Après ce séminaire, je mesure un peu mieux le travail que c’est que d’être soi-même, à quel point il est le cœur de la pratique de la méditation, et surtout, pourquoi il ne peut y avoir de vie commune sans lui.

Benjamin Couchot

Bois Colombes

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