Rester debout

Tempête de neige, tableau de Turner

Comment rester debout en cette période où le monde entier retient son souffle face à l’évolution galopante de la pandémie ? 

J’ai choisi pour illustrer ce texte le tableau Tempête de neige de Joseph Mallord William Turner car je me suis rappelée que Turner s’était fait attacher au mât d’un navire naviguant en pleine tempête pour faire face à cette dernière. Mais il n’est pas nécessaire de prendre des mesures aussi extrêmes…

Comment vivre et ne pas se laisser envahir par la peur et l’effroi ?

En mettant un pied devant l’autre.  J’aime bien l’expression de Marie-Pierre Dillenseger qui parle de « pieds dans la tête » lorsque le petit vélo des pensées s’emballe.  Elle conseille dans ce cas de revenir à des gestes très concrets, de s’ancrer dans le présent en rangeant un placard, en disant bonjour à un arbre, en trouvant tous les jours une surface à nettoyer. A chacun de trouver sa manière de remettre les pieds par terre.

Un pied devant l’autre, un moment après l’autre, comme nous l’enseigne la pratique de la méditation. On suit l’inspir qui gonfle notre poitrine et notre abdomen et l’expir où le souffle se dissout dans l’espace. Pause. Et la vague du souffle reprend. A neuf. C’est toujours à neuf, c’est toujours un commencement de quelque chose que l’on ne peut pas prévoir ni contrôler.

Allons-y pas à pas.  Délicatement, avec tendresse. On peut aussi se relier à notre cœur en pratiquant la bienveillance aimante. Pour ceux qui n’ont jamais fait cette pratique, vous pouvez simplement, au milieu d’une pratique de pleine présence, fermer les yeux, visualiser quelqu’un qui vous est proche et lui souhaiter le meilleur, sentir comment l’amour que vous portez à cette personne vous relie à elle.

Comment rester digne face à la tempête ?

En prenant d’abord soin de soi. Même si on est seul (e) dans un studio, on peut s’habiller avec soin, se maquiller.  On peut mettre une jolie table au moment des repas. On peut s’entourer de beauté.

On peut s’inspirer de l’écrivaine Herta Müller qui a écrit ce qui suit sur les interrogatoires qu’elle subissait :

« Si on a besoin de beauté, c’est aussi pour ne pas se perdre soi-même.  On a besoin d’elle autour de soi, mais aussi sur son propre visage. Lorsque j’étais convoquée à un interrogatoire, je me maquillais avec un soin particulier.  C’était très important: cela me prouvait que je n’étais pas encore indifférente à moi-même. Il fallait que l’interrogateur voie que je ne me laissais pas tomber.  Je mettais aussi mes plus beaux vêtements.  C’était bizarre, de s’apprêter tout en redoutant de ne plus avoir le droit de rentrer chez soi, le soir même. Sous les bureaux, il y avait la prison: ce n’étaient pas des rumeurs, deux de mes amis y avaient déjà passé une semaine en détention provisoire. Parfaitement maquillée, bien habillée, avec, dans ma poche, un petit mouchoir, une brosse à dents et du dentifrice en cas de coup dur.  C’était le nécessaire des interrogatoires.  Et le soir, quand on me laissait rentrer chez moi, j’étais remise en liberté. Je sentais les chemins courir sous mes pas, les plantes respirer dans les petits jardins.  Les plus belles, c’étaient les dahlias, avec leurs rosaces en cercle concentriques, leurs corolles drapées autour d’elles-mêmes, de leur nombril. (…) J’avais l’impression que les dahlias me voyaient, qu’ils m’attendaient et me montraient le moyen de se calmer. » Tous les chats sautent à leur façon, Paris, Editions Gallimard, 2018

Portez-vous bien.

Anne Vignau

Saint-Gratien

3 commentaires
  1. Christine BERARD dit :

    Merci beaucoup Anne, pour ce partage très aidant. Et puis tu m’as donné envie de découvrir Herta Müller. Prends soin de toi également. De tout coeur, Christine

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  2. Montané Estelle dit :

    Bonjour Anne,

    Merci pour ce beau rappel. Je vais de ce pas écouter la rencontre avec Marie-Pierre Dillenseger. C’est vrai que m’apprêter m’aide beaucoup pour les cours à distance, même si je n’utilise que le son!

    Je t’embrasse,

    Estelle

    Répondre

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