Funambule

Je reviens en ce moment chaque jour sur l’écoute de l’enseignement de Fabrice Midal portant sur la présence ouverte et l’attention focalisée. 

Cet enseignement permet de comprendre que toute pratique suppose la focalisation sur un objet (et l’objet proposé ici est le souffle), et que cette focalisation, loin d’être une crispation sur quelque chose, maintient la présence et l’ouverture.

Il éclaire ma pratique en m’introduisant peu à peu à cet incroyable paradoxe consistant à trouver le point d’équilibre entre l’espace ouvert et la précision de l’attention focalisée.

C’est cela, nous dit-il, pratiquer.

Trouver le point d’équilibre entre l’espace ouvert et la précision

Alors je tente au quotidien d’explorer les différentes étapes de cette pratique. Je me plonge d’abord dans ce sens de présence qui d’un seul coup fait apparaitre un espace large, au cœur duquel prennent place simultanément les sons, les clins d’œil de la lumière, l’ancrage de mon assise, tout ce qui me traverse à cet instant. Sensation de soulagement, d’émotion de sentir vibrer le monde.

Puis je commence à focaliser mon attention sur la respiration, et là je me rends compte qu’à la différence de l’étape précédente, cela me demande du temps, du temps pour passer de l’application d’une consigne à l’expérience intime du souffle. Il ne s’agit pas de le saisir, donc je le laisse peu à peu être comme il est. Oui, mais est-ce que je vais jusqu’à donner leur place aux sensations corporelles à l’inspir, à l’expir, dans toute leur finesse nuancée ?

Oui, il faut du temps pour s’abandonner, ne plus chercher à observer, jusqu’à sentir que je ne fais rien, mais que le souffle agit en moi, qu’il ventile mon existence et que je ne fais qu’un avec lui.

Lorsque je pars dans mes pensées, je reviens à la présence ouverte (bonjour), et je retrouve le contact avec mon souffle.

Et, ce qui au départ était envisagé séparément, à savoir la vastitude et l’appui précis de l’attention focalisée, à un moment s’épousent. 

C’est là que je traverse l’expérience du point d’équilibre, comme un funambule entouré et grisé par l’espace sans limite, et néanmoins si attentif à poser délicatement son pied sur le fil, en en sentant la texture, chaque pas constituant l’appui indispensable pour poursuivre le chemin.

L’équilibre n’est jamais acquis, il se cherche à chaque instant. 

Il ne s’agit pas de se perdre dans l’ouverture, mais de la soutenir par la précision de l’attention sur le souffle. De même qu’il ne s’agit pas de se concentrer sur le souffle au point de rétrécir l’espace. Il s’agit d’être un funambule.  

Cette pratique infuse mon quotidien

J’ai deux exemples en tête : quand je cours, et que j’allie la présence à tout ce qui m’environne à l’attention portée à mes pieds qui touchent le sol, je demeure en rapport avec l’entièreté de la situation. Quand je travaille, j’observe que si mon attention sur un sujet se transforme en concentration excessive, je peux perdre rapidement le sens de l’ensemble. Alors j’essaie de revenir à une approche plus large de la question, et me voici de nouveau retrouvant de l’allant et une vision plus claire et fluide de mon sujet.    

Revenir à cette pratique, c’est faire l’expérience du funambule qui tient bon sur son fil, en prêtant attention à chaque pas, au cœur d’une vastitude qui le dépasse, à la recherche du point d’équilibre, qui loin d’être un point fixe et statique, se recrée sans cesse.  

Philippe Marsaudon

Paris

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