Trois minutes de philosophie pour redevenir humain

Couverture du livre de Fabrice Midal "Trois minutes de philosophie pour redevenir humain"

Le nouveau livre de Fabrice Midal m’accompagne déjà depuis plusieurs mois.

Il me fascine car en trois minutes, l’espace un peu éteint ou terne de ma vie s’ouvre.

Un basculement

Où que je sois et quand mes pensées tournent en rond, dans le tram, le métro, chez le coiffeur, il me suffit de retrouver les émissions enregistrées par Fabrice Midal l’été dernier sur France culture: « Trois minutes de philosophie pour redevenir humain ».

Il nous aide à reprendre notre vie en main, à retrouver une question qui nous touche. Cela me semble à chaque fois magique, un vrai basculement. Et ce en partant d’une phrase d’un ou d’une philosophe, poète ou penseur. Il est difficile pour moi de faire un choix car ces pensées sont toutes parlantes et elles me mettent littéralement en mouvement.

La phrase d’Aristote, par exemple, me berce ou me propulse dans l’action selon le jour: « Hors de cette vapeur et de cette houle, écarte ton vaisseau ».

Goethe: « C’est pour savoir où je vais que je marche ».

Nous aimerions tout planifier, tout programmer. Et pourtant, lorsqu’il s’agit d’une situation humaine, c’est-à-dire qui nous engage relationnellement par exemple, nous voyons souvent que cela n’est pas efficace.

Un vrai engagement

Dans mon métier d’enseignante, j’ai observé qu’il y a des jours où la leçon est un peu automatique. J’ai décidé par exemple ce que je voulais enseigner. Le but est préétabli. Je ne prends pas le temps d’entrer réellement en rapport avec les élèves qui sont en face de moi.

Il y a des jours, par contre, où la situation crée la leçon elle-même. J’ai choisi un fil conducteur et je laisse la situation du jour me guider.

Entrer en rapport avec la situation

La méditation nous apprend à être en rapport avec tout ce qui fait une situation. Les sensations, perceptions, les pensées, le souffle, nos émotions… Tout ce qui nous traverse.

Dès que j’entre dans ma classe ou même dès que je quitte l’espace de la rue pour entrer dans le bâtiment de l’école, je peux être attentive à tous les détails qui m’invitent à m’accorder à ce qui est particulier aujourd’hui. Je me laisse transformer, imbibée par une atmosphère particulière et mon projet de cours va pouvoir évoluer avec ces ingrédients.

Cette observation rend la phrase de Goethe très parlante car, quand on avance, on découvre où le travail nous mène. Et cela demande d’être attentif à tout ce qui se montre.

Si je pars en vacance par l’autoroute, je m‘ennuie, rien ne se passe qui me déplace. Par les petites routes, on traverse des villages, on s’arrête dans un petit café, on rencontre les habitants.

On peut remarquer souvent que, quand on est braqué sur le but d’un travail ou d’un trajet à parcourir, celui-ci devient fastidieux, alors que si on est intéressée par tout ce qui se passe, cela devient passionnant et vivant.

 Le combat est le père de toute chose

Cette citation d’Héraclite nous invite à réinterroger le rapport que nous entretenons au combat, que nous associons souvent à de la violence. Pour ma part, le combat a souvent été synonyme d’acharnement, d’effort crispé. Il est souvent violent pour moi-même et par conséquent brusque ou agressif pour les autres. Mon nouveau combat cherche plutôt à me relier au cœur de mon aspiration, afin qu’à chaque moment, un élan puisse me guider vers l’essentiel de ce qui m’anime.

Si je suis dans la rue, au milieu d’une zone de travaux, camion, grue, trottoir encombré de panneaux, le vacarme et les sinusoïdes entamées par mon chien guide m’inquiètent. Souvent, une panique me prend car à Bruxelles, l’organisation des chantiers est souvent très aléatoire. Il n’est pas sûr du tout que s’il y a un trou dans la chaussée sur mon trajet, il sera protégé par des barrières !

Le combat va être essentiel. Il s’agit de traverser le tumulte. Je ne peux y échapper. Si j’arrive à me poser, c’est-à-dire, à regarder la situation, de nombreuses possibilités se présentent : prendre le temps de m’arrêter, trouver quelqu’un à qui demander, encourager mon chien pour qu’il cherche une solution ou nous pouvons bien sûr faire demi-tour si nécessaire et emprunter la rue parallèle.

Se poser

Cela me demande de redécouvrir régulièrement ce que se poser veut dire. La pratique de la méditation est un chemin royal pour se déposer et regarder notre esprit. Il sautille, il est très convaincu d’avoir raison et pourtant, si on reste là, en silence, immobile, il se dépose et il se transforme.

« Il n’existe pas sur cette terre de choses vers lesquelles on peut se pencher avec condescendance ». Cette phrase d’Olga Sedakova m’invite à regarder toutes les situations avec précision et sans hiérarchie, sans considération différente pour ce qui me semblerait plus important ou plus valable.

Quand je me pose sur le coussin de méditation, je m’applique à regarder avec la même attention la fatigue, l’ennui, la joie, l’apaisement…

Comment redevenir plus humain

Et si notre regard qui se pose sur les personnes que nous ne connaissons pas, qui n’ont pas la même culture, la même façon de marcher, la même façon de voir, d’entendre, pouvait être à chaque fois un regard neuf et n’être jamais condescendant ?

Ce que nous ne connaissons pas nous fait souvent peur et notre première réaction serait de le rejeter.

Regarder la peur

Quand nous nous posons, nous apprenons à regarder nos peurs et la peur qui nait de cette émotion. Cela nous apprend à nous donner du temps pour que la peur, au lieu de nous envahir et nous emmener dans une réaction de fermeture, nous ouvre au contraire à la fragilité qui nous habite.

Cela va nous aider à abandonner notre regard condescendant et à nous ouvrir à la différence qui nous parle de notre humanité.

Le livre de Fabrice m’invite quotidiennement à rester vivante et humaine en réinterrogeant mes idées.

Il nous aide à redevenir des êtres pensants.

Cela me semble abyssal.

Sylvie Storme

Bruxelles

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